Rencontre avec Marc Giraud

21 juin 2017



Marc Giraud, grand amoureux de la Nature, est un touche à tout. Radio, TV, auteur, illustrateur, naturaliste, il s’illustre depuis des années sur toutes les plateformes pour nous apprendre à mieux regarder et protéger ce qui nous entoure. A l’occasion de la sortie de son très beau  livre « La nature au fil des saisons » paru aux éditions Allary, Le nid de pie s’est donc vu proposer l’occasion de lui poser quelques questions et de le complimenter sur ses chemises recouvertes d’imprimés animaliers bariolés.




Bonjour Marc Giraud ! Vous semblez être un passionné hyperactif, très éclectique mais avec toujours un dénominateur commun à toutes vos activités : la nature dans toute sa diversité et sa fragilité.  Comment avez-vous acquis votre bagage naturaliste et vos connaissances sur le monde des plantes et des animaux ? Quel a été votre parcours ? 
Merci pour les chemises, c’est mon image de Marc 😊
Passionné, c’est le maître mot ! Mon bagage naturaliste, je l’ai acquis d’abord sur le terrain, au contact des plantes et des animaux eux-mêmes, seul ou avec d’autres naturalistes : on a toujours à apprendre des autres. Mon activité de journaliste m’amène à côtoyer différents scientifiques et spécialistes, qui m’apportent un savoir de première main. Comme tout ce qui vit m’intéresse, l’éventail est large ! Avec des lectures assidues, ça finit par totaliser des connaissances variées.
J’ai toujours gardé l’étonnement de l’enfant qui voit un animal pour la première fois : j’ai avant tout une approche émotionnelle de la nature. 
À force de parler des animaux dans les médias, j’ai aussi été engagé comme journaliste dans des revues comme Science et Vie ou Terre Sauvage, et j’ai été rédacteur en chef de la revue Hibou, destinée aux enfants à partir de 7 ans. Les enfants, c’est une excellente école de communication ! Quand on se fait comprendre d’eux, on peut se faire comprendre de tout le monde.
 
Parallèlement, j’ai toujours voulu redonner à la nature ce qu’elle m’apportait, et je suis bénévole à l’ASPAS (l’Association pour la protection des animaux sauvages) depuis ses débuts. Dans les années 1990, nous élevions des coccinelles pour en distribuer les œufs aux jardiniers afin qu’ils débarrassent naturellement leurs rosiers des pucerons, sans passer par la case pesticide. Ça a beaucoup plu à Christophe Dechavanne, qui m’a invité dans son émission « Coucou c’est nous » sur TF1 pour parler des coccinelles. Ma prestation aussi lui a plu. Nous avons collaboré pendant près de trois ans, de là est parti mon aventure médiatique. En fait, c’est le bénévolat qui m’a propulsé dans cet univers, et qui m’a donné cette visibilité ! Quand on donne, il arrive qu’on reçoive…

Dans "Coucou c'est nous", avec Patrice Carmouze (à droite) et Joanna Rhodes, comme invitée pas très emballée par les blattes
Dans l'émission avec Marc Lavoine, sur les moules perlières
Après différentes émissions sur France 3 ou sur la chaîne Animaux, je suis aujourd’hui passé à la radio avec des chroniques animalières hebdomadaires dans « À la bonne heure » sur RTL, aux côtés de Stéphane Bern et de mon vieux complice Patrice Carmouze. J’aime transmettre ma passion dans des grands médias non spécialisés, porter la voix de la nature et des animaux à un public qui n’y est pas forcément sensibilisé. Mon but : intéresser des gens qui ne le sont pas particulièrement, leur montrer que d’autres êtres vivants que nous-mêmes sont intéressants, étonnants ou drôles, qu’ils méritent notre regard et notre respect.
 
Avec Stéphane Bern sur la plateau d'"A la bonne heure" sur RTL
Avec une trentaine de livres déjà écrits, plusieurs en cours d’écriture, les émissions de radio et de télé, les articles, les conférences, les interviews pour divers médias, les indispensables bains de nature, et quasiment la moitié de mon temps consacré au bénévolat, oui ça devient de l’hyperactivité. Paradoxal, pour un contemplatif…


Sur votre site, on apprend que vous avez été illustrateur au début de votre carrière : avez-vous suivi une formation ou êtes-vous autodidacte ? Quelles techniques affectionnez-vous tout particulièrement ?  Après le bac scientifique, j’ai fait les Beaux-Arts et une école de dessin publicitaire, puis je suis devenu illustrateur animalier. J’aime particulièrement l’aquarelle (à l’ancienne, sur du papier tendu sur une planche !), qui permet une grande finesse et d’étonnants effets de matière, car on joue avec l’eau. J’ai suivi l’enseignement d’un très grand de l’illustration : Gilles Bachelet.

Autoportrait de Gilles Bachelet, en compagnie de son "chat".
Fort de cette technique, j’ai longtemps travaillé pour la presse et l’édition, à la fois pour la vulgarisation scientifique et pour les enfants. Aujourd’hui j’ai de moins en moins de temps pour la peinture, nous avons donc confié les illustrations de  La Nature au fil des saisons à deux dessinateurs très différents : Gilles Macagno pour la partie humoristique, et François Desbordes, pour les planches d’identification, à qui l’on doit cette magnifique couverture (Plus de détails sur les illustrateurs ici) .

Aquarelle originale de Marc Giraud pour la couverture de son ouvrage "Super Bestiaire" paru chez Robert Laffont
  
Dans la nature au fil des saisons on découvre quantité de rubriques présentées sous forme d’almanach (citations, recettes de cuisine, astuces, jeux, identification d’animaux, etc…) qui s‘adressent à tous les publics (le résumé du livre clame « de 7 à 77 ans ») et font surtout référence à la vie quotidienne. C’est votre credo ? Chacun peut être acteur et la nature est partout pour qui veut bien la voir ? 
Oui et oui, la nature est à portée de tous. C’est mon message constant : nul besoin d’être un grand spécialiste pour l’apprécier, nul besoin de connaissances pointues et de mots compliqués.
Mon credo, c’est aussi la proximité. Même si j’ai fait quelques voyages, et si j’ai été écoguide en Amazonie, j’ai beaucoup focalisé ma communication sur nos espèces communes, celles que tout le monde peut voir, car ce sont elles qui nous parlent. Avec un leitmotiv : « l’extraordinaire se cache dans l’ordinaire ». Oui, la nature se montre à qui veut la voir, à qui sait ouvrir ses sens et se pencher vers elle. Dans ce contexte de proximité, j’aime néanmoins explorer les zones peu regardées, d’où des livres comme Safari dans la bouse ou La vie rêvée des morpions (qui traite des parasites, un sujet absolument extraordinaire et peu décrit d’un point de vue naturaliste).

Les deux ouvrages parus chez Delachaux et Niestlé
 Chacun peut être amateur de nature, et surtout, chacun devrait s’activer pour la défendre ! Je suis très attristé de voir nombre de mes collègues passer leur temps à compter et à faire des inventaires, mais quasiment rien pour protéger leurs sujets d’études. Au printemps, quand les crapauds migrent, c’est le moment d’aider ces animaux à ne pas se faire écraser sur les routes. Et là, je ne vois que bien peu de monde sur le terrain…


Le livre évoque beaucoup des savoirs immémoriaux, des proverbes anciens, etc… Mais la sensibilisation à la protection de l’environnement s’étend aussi à d’autres médias pour toucher la nouvelle génération hyper connectée. Vous vous êtes lancé dans la grande aventure internet également récemment. Que pensez-vous de l’engouement actuel des plus jeunes pour les vidéastes sur internet ?  Est-ce une nouvelle arme de sensibilisation de masse ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le projet « Mainate tv » ?
Mon arme de sensibilisation massive est l’humour, qui me permet de toucher un public non naturaliste. Ensuite, qu’importe le flacon : si ça doit passer par Internet, allons-y ! Pour les nouvelles générations, la télé n’est qu’un écran parmi d’autres. Certains ne se distraient ou ne s’instruisent qu’en passant par des sites. Tous ces jeunes Youtubeurs ou blogueurs pleins de pêche savent parler aux gens de leur âge. Et quand les connaissances fiables et l’originalité sont au rendez-vous, on voit de belles réussites ! Ces écrans qui d’habitude déconnectent les nouvelles générations de la réalité ont ici un rôle positif, et peuvent les inciter à mettre le nez dehors, à découvrir la vie, à défendre des valeurs !
 

Mainate TV est la chaîne de télévision du Festival international de cinéma animalier de Ménigoute (note: qui aura lieu cette année du 26 octobre au 1er novembre). J’aime ce festival et ses fondateurs, Marie-Christine et Dominique Brouard. Ménigoute est le premier festival de ce type qui ait été créé en France, il y a plus de 30 ans, et il reste le rendez-vous incontournable de tous les amateurs de nature. Dominique a également créé l’IFFCAM, la seule école de cinéma animalier d’Europe. Chaque année avec les élèves de l’IFFCAM, nous tournons de courtes séquences de balades naturalistes, comme je le faisais il y a quelques années pour la chaîne Animaux. Appelées « En chemin », ces mini découvertes nature sont diffusées au cours de nos émissions en direct pendant tout le festival, puis visibles sur internet (Dailymotion et YouTube principalement).

Le générique de l'émission "en chemin" regardable sur le net




Dans votre ouvrage, vous parlez de nombreuses plantes et animaux et je n’ai pas pu m’empêcher d'en repérer certains qui reviennent plus souvent que les autres, comme le renard. C’est votre mal-aimé préféré ? Pourquoi ? 
Le renard est le symbole de l’ASPAS, et l’un des animaux sauvages les plus maltraités qui soit : en tant que « nuisibles », ils sont chassés et piégés toute l’année. Mais à l’ASPAS, on aime les mal-aimés ! On les défend aussi.


Quand l’ASPAS a été créée il y a plus de 30 ans, la rage sévissait encore en France, et le renard était très mal considéré. Il fallait être gonflé pour le choisir comme emblème. Mais des années de sensibilisation ont porté leurs fruits, et le renard est devenu très populaire. Nous espérons la même évolution avec le loup, encore mal-aimé par l’administration, mais déjà plébiscité par la grande majorité des Français.


On trouve au cours de notre lecture de La nature au fil des saisons plusieurs allusions expliquant qu’au final la nature se débrouille très bien sans nous. Outre construire des nichoirs et nourrir les oiseaux en hiver (avec parcimonie), que peut-on réellement faire aujourd’hui, à l’échelle individuelle pour aider efficacement et s’investir dans la protection de la nature ?
Pour « aider » la nature, il ne faut pas forcément construire des nichoirs justement. Je suis réservé sur cette attitude, qui nous donne l’illusion d’être indispensables aux animaux. C’est faux : les oiseaux savent parfaitement construire leur nid tout seuls, ne l’oublions jamais. Disons qu’on se fait plaisir en installant des nichoirs. Pour aider vraiment la nature, l’action la plus simple est d’adhérer à une ou plusieurs associations de protection. Cela les soutient financièrement bien sûr, mais aussi, leur nombre d’adhérents leur donne un poids politique nécessaire pour faire du lobbying, dans le bon sens du terme : agir pour une cause commune.
Concrètement, si vous avez un jardin, laissez une partie en libre évolution : la nature y fera ce qu’elle veut, et deviendra un petit écosystème naturel.



Vous nous l'avez dit, vous êtes porte-parole de l’ASPAS et bénévole au sein de l’association depuis plus de 30 ans. On a pu vous voir récemment en tant que maître de cérémonie du colloque Renard et vous vous êtes investi dans plusieurs actions, notamment contre les tirs de loups. Quelles sont aujourd’hui les combats chers à votre cœur et qui restent encore à mener en matière de protection ?
Des combats, il y en a tellement ! Le loup est au centre des enjeux écologiques, car il peut causer une gêne. Il nous oblige à nous poser la question : « Quelle nature voulons-nous ? ».
Sommes-nous prêts à accepter des désagréments, ou voulons-nous achever de stériliser la nature à la moindre contrariété ?
Aujourd’hui en France, la protection de la nature n’est plus que l’ombre d’elle-même, le public ne s’en rend pas compte. Le loup, espèce protégée, est abattu même lorsqu’il n’y a aucun troupeau à protéger, ce qui n’est d’ailleurs pas légal. On peut chasser ou exploiter le bois dans la plupart des espaces dits protégés de l’État. Tout est à refaire. Mais l’espoir persiste ! La vie sauvage revient petit à petit. Les loutres, les castors ou les vautours, rarissimes il y a quelques années, ont fait leur retour. D’autres espèces sauvages réapparaissent, naturellement ou non. Il ne manque que des espaces tranquilles où elles puissent s’épanouir. C’est ce à quoi nous œuvrons à l’ASPAS, grâce à une idée visionnaire de ses fondateurs : nous achetons nous-mêmes des espaces grâce à des donateurs, et nous les libérons de toute exploitation mercantile. Notre parrain, Jacques Perrin, a déjà inauguré trois Réserves de Vie Sauvage®, deux en Drôme et une en Bretagne. D’autres projets sont en cours : petit à petit, la nature libre s’étend. Pour le bénéfice de tous, et pour les générations futures.

Inauguration de la Réserve de Vie Sauvage des Deux Lacs en janvier 2016 avec Jacques Perrin. On souligne le pull renard qui sert, lui aussi la cause !

De l’humour et de la simplicité pour enseigner, du militantisme sans agressivité, la nature semble avoir trouvé un excellent émissaire en la personne de Marc Giraud. Merci à vous pour votre temps et à bientôt sur les ondes ou chez votre libraire préféré pour suivre vos pérégrinations (en bord de chemin) !
Merci à vous, et bravo pour votre excellent blog ! Et oui, préférez les petits libraires indépendants aux achats en ligne à des multinationales sans scrupule. Faites vivre aussi les libraires, merci pour eux !



Pour aller plus loin:

- Retrouvez Marc Giraud sur son site, son blog, facebook et twitter !

- Pour les plus nostalgiques d'entre-vous, retrouvez l'intégrale des "Coucou c'est nous" sur Youtube.

- Faites une balade dans les jardins du MNHN de Paris avec Marc Giraud (Mai 2017).

- Une présentation de Marc (qui décoiffe) pour l'émission "les 28 minutes" d'Arte (Avril 2017)

- Une autre interview de Marc réalisée pour faunesauvage.net avec une liste de ses publications (2016).

- Marc est "L'invité du 13h" avec Élise Lucet au Journal TV de France 2 (Juin 2013)

- La critique de La nature au fil des saisons sur le blog

- Et pensez toujours à vérifier les liens disséminés dans l'article !

Babillages:

Soyez bavard comme une pie